Un jour, je suis passé te prendre à Cully… C’était il y a bien… Oh ! vingt kilogrammes de moins. Nous devions jouer le lendemain au festival du film de Locarno. L’été était chaud. Le ciel bleu. Nous roulions dans la joie et l’allégresse. Comme d’habitude, vers midi, tu t’es mis à crier famine… « Je mangerais bien une vache entière » que tu m’as dit en regardant une simmenthal qui passait dans un champ. Là, on s’est décidé pour un pique-nique. Arrêt buffet dans un supermarket de Brigue et nous voilà reparti sur la route direction le Nufenen. Et puis la scie a commencé. Tous les kilomètre : « Quand est-ce qu’on s’arrête, j’ai faim ». Je me suis décidé à nous arrêter avant la montée au col. On a repéré, en contre bas de la route un terrain de foot au milieu de rien. Juste une buvette fermée avec 3 tables en bois et leurs bancs. Pour le reste, un vrai désert. Là, on s’est mis à festoyer deux salades sous vide, un poulet grillé, une miche de pain et une bouteille de rouquin. Le rouge embarqué au départ de Cully fut surprenant. Manquait juste un peu de cannelle à l’orange, car il devait bien donner dans les cinquante degrés centigrades. Conséquence d’un séjour de quelques heures dans le coffre arrière de ma limousine noire. On a refait le monde autour de la table en bois, les doigts dans la graisse du poulet. On a bu le vin chaud. Toi surtout car moi je devais tenir le volant. Et puis nous sommes repartis euphoriques. Juste avant le col, tu m’as demandé de stopper le véhicule. Tu as bondi dans un champ, sur un bout de rocher, puis sur un autre… Et encore un autre… Et tu hurlais : « Je suis sûr que je suis le premier être humain à mettre le pied sur ce caillou… Et sur celui-ci… Et sur celui-là !
A peine quelques kilomètres plus loin, tu étais manivellé sur ton siège, anesthésié par notre agape arrosée de vin chaud. Effondré à l’avant du véhicule. Ramonant tes fosses nasales dans un ronflement tonitruant.
La dernière fois que nous nous sommes vu, à la terrasse d’un bistrot veveysan, tu m’as rappelé cette anecdote.
« Pierre-Yves, que tu m’as dit, si un jour j’écris un livre, celle-ci y figurera en bonne place, foi de trompettiste »
Je ne sais pas si livre il y aura… Mais je te la rends ici.
Une chose encore. A l’autre bout de notre voyage, ce jour là, nous attendait Jean-Luc Parodi. Comme je suis sûr que samedi dernier il t’attendait sur le paillasson, lui qui est parti voici plus de dix ans préparer le terrain, je compte sur toi pour lui transmettre mon amitié. Et vous ne perdez rien pour attendre. Je pense bien vous y rejoindre un de ces 4. Bon, si ce n’est pas pour tout de suite, ce n’est pas bien grave. J’ai deux trois trucs à terminer ici. Et ça vous laissera un peu de temps pour préparer la chambre…
Je t’embrasse mon gars… Et keep swinging
Pierre-Yves
De la part de Pierre-Yves Detrey