Chères, Chers amis,
Lorsque Abdel et Yousra m’ont demandé si je voulais faire une petite allocution à cette cérémonie, j’ai été très profondément touché.
Mais de suite un sentiment de panique m’a pris : qui suis-je pour dire des choses pertinentes face à un tel drame ?
J’ai été touché parce que c’est un témoignage d’amitié, une amitié sincère qui me lie à eux depuis quelques années, mais c’est aussi un sacré engagement.
On s’était connus grâce à la musique, la Sultane, comme on l’appelle à juste titre, m’a appris les bases du Oud. Abdel était toujours discret quand elle donnait ses cours.
Progressivement on s’est mieux connus et j’ai découvert un personnage d’une grande richesse, fierté et modestie, des qualités qui se perdent de plus en plus.
Je n’ai pas eu l’honneur de connaître personnellement Naïm, mais j’imagine qu’il avait certainement hérité quelques unes des qualités de son père……
Et puis un jour, c’était les 20 ans de ma fille aînée, je les ai invités avec d’autres amis et on a fini la soirée à jouer à danser à faire la fête.
Les amis : comment peut-on refuser à de vrais amis de tenter de rédiger quelques lignes dans une situation aussi douloureuse ?
Je pense que nous sommes ici toutes et tous en qualité d’amis : de Naïm, de sa mère, de son père et toutes celle et ceux qui ont eu la chance de connaître Naïm.
L’amitié est aussi l’empathie, le respect mutuel, l’envie de faire plaisir à l’autre de lui rendre un service.
C’est l’empathie qui m’a fait verser des larmes en silence lorsque Yousra m’a annoncé l’horrible nouvelle.
Naïm avait choisi la physique, un domaine où la rigueur, la précision, la vérification empirique sont des armes absolues.
Moi j’avais choisi la philosophie, qui ne sert pas à grand-chose.
Mais pendant mes études j’ai eu la chance de suivre des cours de philosophie de la physique.
Cela m’a énormément réconcilié avec une matière dans laquelle j’ai toujours été nul de chez nul.
Qu’est-ce que j’aurais aimé en discuter avec Naïm, mais c’est un peu tard hélas…
La philosophie et la physique n’étaient pas deux domaines séparés dans l’antiquité, elles le sont devenues beaucoup plus tard.
Peut-être un point en commun avec Naïm ? Certes !
Mais il en est un autre qui m’a frappé : la date de son décès coïncide avec celle de ma naissance, le 19 août de…. Il y a longtemps….
Ma thèse m’a permis d’approfondir la pensée d’un philosophe allemand du nom de Hans Jonas, philosophe décédé dans les années ’90 alors que je pensais pouvoir le rencontrer : une fois de plus, hélas trop tard…..
Parmi ses nombreux essais, il avait écrit un article intitulé « Du fardeau et de la grâce d’être mortels ».
Il y prétendait, à tort ou à raison, que seul l’être humain a la conscience de sa mortalité, de sa finitude.
Ce qui représente un fardeau lourd à porter : il ne s’applique pas uniquement à chaque sujet individuellement, mais à toutes celles et ceux que nous aimons, nos parents, nos enfants, nos amis.
Mais c’est en même temps une grâce parce que, sachant que nos jours ne sont pas infinis, il faut leur donner de la valeur : chaque aube, chaque coucher de soleil est un cadeau que nous devons valoriser dans le bonheur et dans la douleur.
Dans mon ignorance infinie, j’ai cherché l’étymologie de Naïm et j’ai découvert que son prénom signifie Heureux, doux, délicieux ou alors les désirs et plaisirs du paradis.
Quel joli choix de la part de ses parents ! Quelle bénédiction !
Et malgré cela nous ne sommes pas maîtres de tout : la preuve ? Naïm nous a quittés trop tôt.
La fin du texte est dans la condoléance suivante
De la part de Carlo Foppa